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Le Rebozo, bien plus qu'un soin ...

Dernière mise à jour : 11 déc. 2022


​Consciente des enjeux liés à l'appropriation culturelle et désireuse d'être respectueuse, je suis disponible pour toute suggestion ou modification de cet article. Ma volonté première est de rendre hommage au rebozo, le tissage, le châle, afin de ne pas juste assimiler le mot « rebozo » au soin merveilleux, mais occidentalisé que nous connaissons. Je suis en faveur du partage des connaissances et des techniques pour prendre soin des Femmes dans le respect de toutes et tous.



Un rebozo : crédit photo Tisseuse de Soi
Un rebozo : crédit photo Tisseuse de Soi


La transmission que j'ai reçue du soin rebozo a été très formatrice pour moi,

en tout point de vue. Cet apprentissage m'a amené sur le chemin de la sororité, du corps, du prendre soin, mais aussi de l'intuition, de l'intention. Mais le rebozo c'est bien plus qu'un soin… Dans cet article, je vais essayer de vous faire voyager, d'honorer cette étoffe, son histoire, sa symbolique et à travers cela toutes les femmes qui en ont fait l'histoire et toutes ses héritières.





Le Rebozo : qu'est-ce que c'est ?


Un Rebozo est un châle créé sur un métier à tisser manuel. C'est une technique traditionnelle très ancienne. Principalement connu comme étant mexicain, il est tissé dans de nombreux pays d’Amérique centrale et du sud. Généralement coloré, le rebozo peut être en coton, en laine, en soie ou bien un mix de ces matières. Mesurant de 1 à 3 m de long, il est teint par une technique ancestrale pratiquée dans le monde entier nommée ikat. Les franges qui le terminent, les rapacejos, sont nouées à la main et peuvent constituer des motifs simples ou plus complexes. Il y a environ 15 étapes pour fabriquer un Rebozo : la cueillette, la teinture, l'amidonnage, l'enroulement, l'ourdissage, le tissage (cette étape peut prendre jusqu'à 4 mois) ...


Tissage d'un rebozo : crédit photo Jos Post
Tissage d'un rebozo : crédit photo Jos Post

Étymologie du mot


Rebozo signifie se couvrir ou s'envelopper, mais en Nahuatl (langue d'origine de nombreux groupes ethniques du Mexique), le Rebozo est appelé « ciua necuatlapacholoni », ce qui signifierait « voile de femme » ou « ce qu'une femme touche » ... Il est aussi connu, chez les Nahuas de l'état mexicain de Morelos, sous le nom de « cenzotl » qui signifie « tissu aux mille couleurs ».


En 1855, le mot rebozo apparaît pour la première fois dans le dictionnaire de l'Académie de langue espagnole, dont la signification est « mantille » : un châle utilisé par les femmes pour se couvrir dans un cadre religieux.


Origines : symbole de métissage


L'origine du vêtement n'est pas claire. On estime que le Rebozo a au moins 500 ans. À la croisée des cultures préhispaniques, d'influences étrangères et de l'évangélisation, il pourrait s'agir d'un vêtement indien importé par un galion de Manille, ou être un dérivé de la mantille espagnole, ou encore, l'évolution de l'ayate indigène ou du mamalt. Cependant, les vêtements préhispaniques et autres tissus n'ont pas de franges tissées.

En 1572, Fray Diego Duran mentionne dans son ouvrage Histoires des Indes de la Nouvelle-Espagne et des îles de Tierra Firma que les femmes métisses utilisaient des tissus pour se couvrir avant d'entrer dans les églises, puisque les catholiques obligeaient les femmes indigènes à se couvrir avant d'entrer dans l'enceinte sacrée.


Il est sûrement un mélange de tout ça, devenant le résultat d'une convergence d'époques et de cultures.


S'il a (peut-être) d'abord eu une fonction religieuse pour se couvrir. Des années plus tard, il perd cette fonction pour devenir un emblème mexicain. Toutes les femmes l'ont porté : les religieuses, les riches, les démunis… comme châle, sur scène, en promenade, à la maison… Au XIXᵉ siècle, le rebozo a commencé à créer une distinction de classes sociales. Les femmes avec moins de moyens le portaient en coton tandis que les plus riches le portaient en soi et plus sophistiqué. D'un point de vue vestimentaire, il peut être porté de différentes manières, qui n'ont pas toutes les mêmes significations dans la société. Par exemple, dans la période coloniale, la façon dont le rebozo est portée distingue les femmes mariées des célibataires.


Le rebozo : un outil

Il est également utilisé à des fins de portage pour repartir le poids et éviter les blessures. Notamment pour porter l'enfant près du corps et le protéger. Mais aussi pour toute autre charge : bois, marchandises, nourritures…

Dans certaines régions, il est utilisé pour soutenir des charges sur la tête (en yagual) ; dans d'autres comme cadeau au lieu d'une bague de fiançailles ; comme linceul pour les morts, faisant ainsi partie intégrante du cycle de la vie ; pour les plus jeunes comme élément ludique ; ou encore pour nettoyer, ou pour chasser le mauvais œil ...




Un symbole de la révolution


Durant la révolution mexicaine (1910-1917), les femmes de la révolution et les Adelitas porteront le Rebozo, caractérisant ainsi la femme révolutionnaire. Porté croisé sur la poitrine, il permettra de cacher les munitions, porté de manière plus ample, il cachera les armes. Déjà symbole de métissage, d'identité, il deviendra aussi un symbole de rébellion pour les femmes mexicaines !

« Pour Frida [Kahlo] c'était un symbole de l'indigénisme, du nationalisme, de l'éthique de la classe ouvrière et de l'autodéfense, de la résistance et du soulagement »

Gabriella Gutierrez y Muhs dans Rebozo de palabras




Un manteau identitaire féminin

Le rebozo va au-delà d'un accessoire vestimentaire multifonctionnel qui a mille usages dans la coutume, l'histoire et le mode de vie des femmes. Non seulement, il couvre, il réchauffe, il enveloppe, il soutient et permet de porter. Mais il est surtout le reflet de l'expression d'une identité sociale et culturelle de la femme. Ce ne sont pas que les fils qui sont entrelacés, mais aussi les traits identitaires et l'expression féminine mexicaine !


Le rebozo est ainsi devenu à lui tout seul une muse pour les poètes, compositeurs et écrivains.


Ce vêtement est considéré comme faisant partie de l'identité mexicaine et presque toutes les femmes en possèdent au moins un. Il est porté par des femmes comme Frida Kahlo ou l'actrice María Félix. Il est toujours populaire dans les zones rurales du pays. Toutefois, son utilisation diminue dans les zones urbaines. En 2010, la première dame Margarita Zavala en portait un lors de sa rencontre avec Michelle Obama.




« Le rebozo a un bel avenir et une longue histoire qui se tisse quotidiennement entre les mains d'artisans qualifiés, de designers et de consommateurs amoureux ; il est chaleureux, il est éternel, c'est un berceau, c'est un linceul, à voir ou à cacher. Il continuera à être un manteau d'identité et un compagnon de vie durable ».

Beatriz Velazquez Inclan



Rebozo et santé


Le Rebozo a également une place importante dans le domaine de la santé. En plus d'aider à soulager les maux de tête ou de donner des massages corporels, le Rebozo à des bienfaits considérables dans l'accompagnement de la grossesse et de l'accouchement. Les sages-femmes ont en fait un allié précieux, permettant de soulager les douleurs, de soutenir la femme pour qu'elle reste dans la position la plus confortable, d'aider à positionner le bébé durant la grossesse et l'accouchement…


Il faut savoir que l'OMS fait état d'environ 10,5 % de déclenchements d'accouchement par des contractions utérines artificielles (22,6 % en France). Envisager d'intégrer des pratiques et des gestes non-invasifs serait bénéfique et cohérent pour respecter la physiologie. Le Rebozo est une pratique non-invasive qui aide à réduire les désagréments de la grossesse, favorise la relaxation, place le fœtus dans le canal génital et réduit la douleur pendant le travail, notamment en relaxant les ligaments utérins et muscles abdominaux. Ces techniques précieuses présentant des résultats prometteurs. Son utilisation repose sur l'expérience et la formation des sages-femmes et doulas, par des personnes aux connaissances solides.


À noter que de sérieux articles publiés dans des revues scientifiques sur cette pratique traditionnelle encouragent son utilisation.


Cerrada et soin rebozo


La Cerrada, parfois appelée en France soin rebozo, est traditionnellement un soin offert à la femme, la mère qui vient de donner la vie, pour l'honorer et prendre soin d'elle ; après qu'elle ait donné tant d’elle-même, pour le nouveau-né, la famille et l’humanité.

« Cerrada » signifie fermé/fermeture, j'y vois 2 sens :

  • le soin clôture le post-partum (de la naissance à la fin des lochies), ce cycle doit donc être fermé pour l’équilibre physique, émotionnel, mental et spirituel de la mère ;

  • le soin vient en quelque sorte refermer le corps par le serrage des rebozos.


Bien que traditionnellement le soin rebozo soir destiné aux nouvelles mères, il est un moment précieux pour toutes les femmes. En effet, ce soin est instant de douceur, et de sororité, puissant, intime et beau !


Le soin rebozo, débute par un instant de partage entre femmes. La personne qui reçoit le soin, dépose une intention qui est aussi importante que le reste du soin. Cette intention est reçue par les 2 accompagnantes comme une boussole pour le soin.

C'est un soin tourné autour de la chaleur : la femme est enveloppée dans des couvertures tout le long du soin ; une tisane médicinale est concoctée pour amener de la chaleur de l'intérieur du corps ; puis à l'image du traditionnel Temazcal, il y a le temps de sudation.


Tisseuse de Soi qui donne un soin Rebozo : crédit photo Tisseuse de Soi
Tisseuse de Soi qui donne un soin Rebozo : crédit photo Tisseuse de Soi

Le temps du massage, à 4 mains, est extrêmement puissant. Il s'agit pour les deux accompagnantes d'aider la femme à se relâcher profondément tout en étant très connecté à la matérialité charnelle du corps.


Le serrage est la dernière étape du soin, qui consiste à l'aide des rebozos à venir serrer le corps en 7 points clef. En post-partum, on vient notamment serrer le bassin de la nouvelle mère, ce qui physiologiquement aide le bassin à reprendre sa place et qui est aussi un geste très fort qui accompagne la femme dans la découverte de ce nouveau corps.






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