Pourquoi j’ai choisi d’arrêter de pratiquer le soin Rebozo
- Lia Lainé
- 22 avr.
- 3 min de lecture

⚠️ Avant de commencer : Ce texte parle de mon chemin, de mes prises de conscience, de ce que j’ai compris et choisi. Ce n’est pas un jugement, ni une leçon. Je ne prétends pas avoir "la vérité" ni être un exemple à suivre. J’ai simplement envie de témoigner de mon processus avec honnêteté, car il pourrait faire écho à d’autres. |
Depuis plusieurs années, le soin Rebozo s’est diffusé dans les milieux du bien-être et de l’accompagnement en France. Ce soin, inspiré d’un rituel mexicain traditionnel, est souvent proposé comme un moment de recentrage, de passage, de “resserrage” — après une naissance, un deuil, un changement de vie, un avortement...
Moi aussi, je l’ai appris, pratiqué, proposé. Et pendant un temps, j’ai cru que cela suffisait : être bien intentionnée, douce, à l’écoute. Puis, j’ai commencé à m’interroger.
Quand les voix autochtones se font entendre
En 2023, j’ai découvert le travail du collectif Jun Nim K’aslemal, un groupe de femmes autochtones originaires d’Abya Yala (le continent que l’on appelle aujourd’hui “Amérique”). Leur parole m’a bouleversée.
Elles partagent avec beaucoup de force (et de patience) à quel point certains savoirs sacrés, comme les soins traditionnels autour du Rebozo, sont aujourd’hui sortis de leur contexte, repris, simplifiés, vendus — souvent sans réelle transmission, sans lien avec les racines, les peuples, les abuelas qui les portent depuis des générations.
Ce qu’elles disent ne m’a pas laissée indemne.
Un processus intérieur
J’ai écouté. J’ai douté. J’en ai parlé avec mon compagnon, avec des amies. J’ai pris du temps. Et j’ai compris que, pour moi, il devenait impossible de continuer à proposer ce soin.
Impossible de continuer à gagner de l’argent avec une pratique qui ne m’appartient pas. Car oui, je gagnais davantage en proposant des Rebozos qu’en accompagnant des IVG. Mais je ne pouvais plus le faire sans ressentir un tiraillement profond, sans avoir la sensation de trahir quelque chose de sacré.
Manquer de respect aux abuelas, à ces terres blessées par le colonialisme, à ces lignées qui ont déjà tant perdu. Manquer aussi à cette part de moi qui croit profondément au respect du visible et de l’invisible, à ce qui nous dépasse, nous relie, nous engage.
La vente des foulards "Rebozo"
La question de la vente des Rebozo est soulevé également, en effet beaucoup des tissus vendus aujourd’hui sous le nom de “Rebozo” sont en réalité des chalinas, des foulards fabriqués pour le tourisme.
Un vrai Rebozo, c’est un tissu porteur d’histoires, transmis entre femmes, de mère en mère, d’aïeule en aïeule. C’est un tissage qui répond aux besoins du territoire : coton en terres chaudes, laine en montagne. Il est pensé pour durer, soutenir, contenir, accompagner. Il porte l’odeur du bois, les couleurs de la terre, la mémoire des gestes. Acheter un “Rebozo” sans savoir d’où il vient, ni qui l’a tissé, c’est risquer de consommer un symbole sans en porter le poids ni l’histoire.
Je vous renvoie à un article que j'ai écris il y a longtemps : Le Rebozo, bien plus qu'un soin ...
Ce que je choisis aujourd’hui
Je ne pratique plus le soin Rebozo.
Pas parce que je n’en vois pas la beauté, pas parce que je juge celles et ceux qui continuent, pas parce que j’ai “mieux compris que les autres”. Simplement parce que mon éthique me l’interdit désormais.
Je choisis de me recentrer sur ce que je peux transmettre avec justesse :
l’accompagnement du corps et des émotions
la reconnexion au bassin, au cycle, au vécu gynécologique
des rituels que je crée ou co-crée avec les femmes que j’accompagne, à partir de leur vécu, de leur culture, de leur rythme
une écoute respectueuse, une présence sincère
des pratiques ancrées, simples, concrètes
Je choisis de chercher le sacré dans ce qui m’est accessible, dans mes propres racines, dans ma relation au vivant, dans les liens entre femmes.
Pendant cette période, j'ai suivi mes besoins et mes envies, sans forcer quoi que ce soit. Je n'avais pas envie d'être seule trop longtemps, alors j'ai demandé à une amie de rester avec moi pour des moments cocooning.
En conclusion
Je n’ai pas toutes les réponses. Mais je crois qu’il est temps de poser plus de questions. De ralentir. D’écouter. Et de nous rappeler que ce qui nous touche ne nous autorise pas toujours à nous en emparer.
À celles qui continuent de pratiquer le Rebozo : je ne vous juge pas. À celles qui doutent : vous n’êtes pas seules. À celles qui viennent d’autres terres et qui tiennent encore ces savoirs dans leurs mains : merci. Je vous rends ce que je ne peux pas porter.
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